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Oxymore Mon Amour: Passions cognitives, IA & Knowledge

Mr Hamid Tawfiki, DG de CDG Capital, partage avec nous sa nouvelle tribune '' Oxymore Mon Amour: Passions cognitives, IA & Knowledge ''. Une réflexion autour des oxymores, où il est question de connaissance, d'intelligence articifielle, de créativité et de durabilité.

« Il y a des jours, des mois, des années interminables où il ne se passe presque rien. Il y a des minutes et des secondes qui contiennent tout un monde. » Jean d’Ormesson

Les Passions Cognitives. Cette notion, duale, pointe, d’un côté vers la passion, l’engouement, l’enrôlement de la connaissance par une force irrésistible qui emporte avec elle toute possibilité de raisonnement, d’intelligibilité, de clairvoyance ; de l’autre, vers la cognition humaine, faite de recherche de compréhension, d’enquête, d’interrogation sur le monde.

Influencé par l’essor de l’intelligence artificielle, de la linguistique générative, et de la logique formelle, le cognitivisme modélise la cognition en référence à la métaphore de l’ordinateur. La cognition dite centrale englobe la mémoire, le raisonnement, la compréhension, elle est décrite comme un ensemble de manipulations de symboles abstraits. Il s’agit ici de la conception cognitiviste de la pensée humaine, qui est dominante depuis l’avènement des sciences cognitives dans les années 1950.

Il y a aussi la cognition incarnée, celle qui prend sa source dans la théorie de l’évolution, et en particulier dans l’idée que nous descendons de créatures dont le système nerveux était dédié essentiellement aux traitements perceptifs et moteurs permettant d’interagir avec l’environnement immédiat. La cognition incarnée considère que l’esprit doit être compris dans le contexte de son corps, et de l’interaction de ce dernier avec l’environnement. Oh did you see me coming ?  didn’t you ? Milles cornues alambiquées !

Cette douce idée induit le fait que ce type de cognition n’est plus vu sous l’angle du traitement d’information, mais plutôt comme ayant pour visée de supporter l’action. Pour survivre dans un environnement, être capable de repérer rapidement les différentes possibilités d’action est un avantage pour un organisme. Au lieu de s’être développée de manière centralisée et totalement distincte des modules sensoriels et moteurs, la cognition ancrée prendrait ses racines dans les systèmes sensorimoteurs. La cognition ne serait donc plus abstraite et amodale, mais plutôt essentiellement sensorimotrice.

Par ailleurs, la poésie, comme un zeste d’élévation, nous propose une autre prescription. Elle dit vouloir penser les mots pour panser nos maux. Ici, le mot pour le mot, pour le son, pour le rythme, dans une syntaxe de simple énonciation. Ailleurs, ce sont les jeux de la syntaxe et de l'impertinence sémantique qui réduiront le mot à l'état de matériau.

"J'aime et je crois. L'énigme enfin dira son mot. L'ombre n'est pas sur l'homme à jamais acharnée. Non ! Non ! l'humanité n'a point pour destinée. D'être assise immobile au seuil froid des tombeaux"

 Exploration du monde et de la vie, la poésie est comme la science au cœur de la connaissance, repoussant elle aussi les limites de l'inconnu et de l’impensé. Elle est encore la conscience critique du rapport à la connaissance. Elle a un sacré caractère épiphanique. Au savoir-vrai argumenté du discours de la science, elle oppose la modalité assomptive, immédiate, de la saisie du monde.

« Pour aller plus loin, ne jamais demander son chemin à qui ne sait pas s'égarerSi tu ne t’étais jamais perdu, aurais-tu jamais connu ? La découverte, le destin, l’aléa de la rencontre, les miracles d’invention et de bonheur » dixit notre passe-partout !

Nous avons osé la conjugaison de la cognition incarnée avec la poésie pour mieux servir la Passion, cette passion qui intensifie la vie en étant synonyme de libération. Elle est l’engouement, l’enrôlement de la connaissance par une force irrésistible qui emporte avec elle toute possibilité de raisonnement, d’intelligibilité, de clairvoyance. L'Homme est, peut-être, né pour penser, mais c'est une vie inerte à laquelle il ne peut s'accommoder. Il lui faut du remuement et de l'action, il est nécessaire qu'il soit quelquefois agité par des passions, dont il sent dans son cœur des sources si vives et si profondes.

"There is no end and there is no beginning. There is only the passion of life. Passion is universal humanity. Passion is the genesis of genius"

La sagesse nous répète qu’il vaut mieux se perdre dans la passion que de perdre sa passion. Mais soyons clair : de quelle Passion s’agit-il ? Hier, comme Aujourd’hui notre obsession était et est : la Passion de l’Avenir.  

 "Quand l'Avenir de l'enfant, Se pose sur le temps, Renaît tous les printemps, Où éclosent nos instants"

Cela étant, pour parler d’Avenir il nous faudra penser le Progrès. Or nous ne pouvons pas ignorer que l'idée de progrès s'appuie sur l'idée que l'histoire a un sens.

En effet, la raison des temps modernes a profondément bouleversé le rapport au temps, à la nature et à la technique. La révolution galiléo-copernicienne des 15ème et 17ème siècles a transformé à la fois le système du monde et le statut de l’homme en ce système. L’homme s’est trouvé privé de la référence à un ordre indiscuté où sa place lui était assignée, toute cohérence et toute certitude apparemment disparues. «Le silence de ces espaces infinis m’effraie» disait Pascal, c’est la raison pour laquelle l’homme moderne, abandonné en quelque sorte à lui-même, va se tourner vers l’horizon de l’histoire qui lui apparaît comme d’autant plus prévisible qu’il en est désormais le maître.

Sur ce sujet, rappelons-nous ce que disait notre tiers-instruit dans ses nouvelles du monde : «Comme toi et moi, le monde va, en haillons, désorienté. L’histoire court comme une bergère égarée qui, depuis son origine, crie dans le désert la perte de son sens. Aussi foudroyée, l’ère contemporaine, sa petite sœur, tient par la main son aînée : ne sachant vers où aller, elles pleurent, toutes deux, entre les dunes ». Milles Castors! Milles Millions de cornues !! Pantope a encore bien joliment brui.

Tout ce qui nous aidera, plus tard, à nous dégager de nos déconvenues s'assemble autour de nos premiers pas, disait René Char. Alors vaille que vaille, œuvrons, osons, conjuguons, furetons !  

L’homme moderne, au moment où triomphe la rationalité à la fois théorique et instrumentale, va mettre en œuvre une immense curiosité intellectuelle. Elle va s’exercer dans les domaines scientifiques et techniques, elle va s’orienter vers la transformation du réel. Cette curiosité s’investit dans une conception de l’histoire centrée autour de la croyance au progrès. En effet, l’apparition de l’idée de progrès, caractéristique de l’historicité moderne, est liée aux potentialités de ce monde et à l’activité propre de l’homme qui tente de le réaliser.

Ainsi l’homme doit être l’auteur de son histoire pour être à même d’affirmer la possibilité d’un progrès issu de son action. Il est capable d’anticiper, de se projeter dans le futur et d’organiser son présent en fonction de l’avenir. L’histoire peut donc apparaître comme prévisible parce qu’elle est faite par l’homme.

Incontestablement, la notion de progrès a été diversement interprétée selon les époques. Elle peut globalement se comprendre comme une combinaison de progrès moral, progrès social, progrès scientifique, progrès technique, progrès spirituel et, à partir du xviiie siècle, de progrès économique, on parle ainsi de croissance économique.

Cette notion de Progrès ne naît pas ex nihilo mais a partie liée avec celle d'évolution. Pour en saisir les multiples nuances, il faut réfléchir au concept d'évolution, et donc remonter, non seulement, aux origines mêmes de l'histoire de l'humanité mais aussi à ce qui la précède.

Les réflexions sur le progrès se fondent sur une série de vastes interrogations : par quelle suite de processus l'homme évolue-t-il ? Ces processus sont-ils naturels, innés, simplement relatifs aux efforts instinctifs d'adaptation de tout animal à son milieu ambiant ? Dans quelle mesure sont-ils au contraire culturels, acquis au prix d'une volonté réfléchie de dépasser sa condition ? Où se situe la distinction entre évolution et progrès ? Comment évaluer la différence d'échelle entre évolution biologique et progrès culturel.

Progrès technique, Progrès scientifique. Nous y voilà. La science s’invite enfin. La transformation dans la société actuelle du rôle de la science, qui dans l’antiquité coïncidait presque avec la philosophie, puis s’est modifiée en utilisant la technique et en découvrant l’expérimentation.

« La science, c'est ce que le père enseigne à son fils. La technologie, c'est ce que le fils enseigne à son papa ». Alias Arlequin 

Selon Bernard Stiegler, l’objet de la science était initialement la description de ce qui est. Le vrai changement est venu avec le machinisme, lorsque la technique est devenue la technologie industrielle. La science n’a plus pour programme de décrire ce qui est, mais de faire advenir ce qui devient. Cette science du devenir a essentiellement partie liée à la technique devenue technologie et à l’industrie. 

Avec les nanotechnologies, les technologies cognitives ou les technologies du vivant, cette science commence à faire des sélections dans le devenir. C’est à dire que la science en vient à nous proposer des futurs possibles. Or il faudrait pouvoir choisir entre ces possibles au non d’une cause extrascientifique. Une telle critériologie extra-rationnelle n’est rien d’autre que le marché. Or aujourd’hui, il y a une tendance à énucléer tous les cerveaux humains de leur conscience afin de les rendre disponibles pour le marché. 

Avec l’obsession de contrôler les comportements et de capter les désirs, nous observons une destruction du désir et de la singularité des individus. C’est le règne des pulsions, la télévision pulsionnelle, et même la politique pulsionnelle. La grande tentation est de vouloir soumettre l’attention à une captation intégrale, de mobiliser tout le temps de cerveau disponible - ce qui constitue une destruction de l’attention. Milles Castors ! Vite, Vite Professeur Occultis, quel remède ? quelle potion ?

Ne faudrait-il pas renverser la manière dont s’effectuent les choix : Imaginer une mutation,  un nouvel agencement, articulant étroitement la technologie, la science, la philosophie, l’économie, la sociologie et la politique. Ne nous faudra-t-il pas une politique de technologies cognitives au service de l’intelligence collective et non pas utilisé ces techniques de la culture et de la cognition comme des techniques de manipulation de l’esprit.

L’expression «passions cognitives» porte avec elle une tension visible, palpable. Mais précisément, c’est en ce qu’elle porte à la fois, la dimension subversive de la passion, cette part de pensée sauvage, cette part d’ivresse dont parle Max Weber à propos du savant, et la dimension pragmatique du connaître, de l’activité d’enquête, que nous reconnaissons à la formule « passions cognitives », un caractère dynamique, novateur, stimulant.

J'avoue. J'adore ce caractère d’Oxymore de l’expression passions cognitives. Il permet, en effet, de mettre à jour de nouveaux territoires d’enquêtes, de révéler de nouvelles dimensions du travail cognitif, tant du côté des formes de passion, que du côté de la distribution des savoirs, tant du côté des raisons d’investissement ou de l’engagement à connaître, que du côté des configurations des connaissances, de leurs agencements, de leurs positionnements dans la cartographie des sciences.

La passion devient de facto indissociable d’un faire connaissance, d’un amour de savoir, qui rejaillit sur l’intensité de la passion.

 « On peut presque tout faire sans lumière sauf écrire. Ecrire demande des lueurs. Vivre se suffit d'ombre, lire exige la clarté. » Ange-Hermès

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